Crise migratoire : pourquoi un direct de la BBC au large des côtes britanniques fait polémique

Ce lundi 10 août, le reporter Simon Jones est au large des côtes britanniques, dans la Manche, sur un bateau à quelques mètres d’une embarcation transportant des migrants. Alors que les passagers se trouvent en difficulté, en train d’écoper avec un récipient en plastique, il les questionne : « Vous allez bien ? »« D’où venez-vous ? »« Combien êtes-vous ? » ou encore « Où allez-vous ? ».

Une vingtaine d’hommes et de femmes venus de Syrie sont à bord. Ils se rendent à Douvres, sur la côte sud-est de l’Angleterre. « Les gens portent des gilets de sauvetage, mais ils sont trop à bord, c’est dangereux », note Simon Jones. Il prend soin d’ajouter, à la fin de son intervention, que « bien entendu, les gardes-côtes ont été alertés ».

Malgré cette précision, l’extrait diffusé par la BBC dans son émission matinale, BBC Breakfast, a été très mal accueilli sur les réseaux sociaux, les internautes reprochant à l’équipe de tournage de ne pas avoir aidé les migrants en difficulté.

« Simon Jones est sur un bateau, regardant des gens désespérés essayer de traverser la Manche dans une embarcation pas faite pour naviguer en mer, qu’ils doivent constamment écoper, et il ne fait rien pour les aider. »

« Restez connectés quand, la semaine prochaine, BBC Breakfast crachera sur les gens qui ont perdu leur emploi et se moquera des handicapés !!! »

« BBC Breakfast… Si ça, c’est le petit déjeuner [breakfast], alors à quoi faut-il s’attendre pour le déjeuner ? »

Simon Jones avait pourtant déjà réalisé un reportage similaire quelques jours plus tôt, sans provoquer autant de réactions.

Le lendemain, Sky News a également envoyé une journaliste en mer, qui s’est elle aussi retrouvée sous le feu des critiques.« Sky et BBC Breakfast ont fait ça, et ça ne va pas. Au lieu de les suivre et de leur faire des pouces en l’air de loin, adressez-vous plutôt à eux en tant qu’humains, à leur arrivée, et pas comme à des marchandises en transit. Nous avons besoin d’une meilleure gouvernance dans notre métier », commente ainsi sur Twitter le journaliste indépendant Shafi Musadiqque.

Couvrir les traversées « avec sensibilité »

« Ce reportage était une illustration frappante des risques importants que certaines personnes sont prêtes à prendre pour atteindre le Royaume-Uni. Les traversées de la Manche sont un sujet d’une importance capitale et nous nous efforçons toujours de les couvrir avec sensibilité », a justifié un porte-parole de la BBC auprès de Metro.co.uk.

Ni les gardes-côtes de Douvres – qui « étaient au courant de la présence du bateau avant que notre équipage ne parle à ses passagers » – ni les personnes à bord du bateau « n’ont signalé qu’une opération de sauvetage était nécessaire », a-t-il ajouté. « Les gardes-côtes ont averti les forces frontalières, qui ont ensuite récupéré les occupants en toute sécurité et les ont emmenés à terre. »

Le mardi 11 août, lendemain de son direct en mer, Simon Jones était de nouveau en duplex, mais depuis la terre ferme. Il a affirmé s’être assuré que les migrants de la veille allaient bien.

Ces séquences, qui visent à montrer comment se passe la traversée des migrants, mettent l’accent sur les trajets clandestins vers le Royaume-Uni, en augmentation. De janvier à juillet, la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord a compté 342 tentatives de traversée totalisant 4 192 migrants, presque le double de la même période en 2019.

Le traité du Touquet, caillou dans la chaussure britannique

Les réseaux de passeurs, de mieux en mieux organisés, et les conditions climatiques, plus clémentes, expliquent, en partie, cette recrudescence des départs vers la Manche. Le gouvernement britannique souhaite endiguer ce phénomène, mais les accords passés avec la France limitent la capacité d’action de Londres, qui a accusé ces derniers jours Paris de fermer les yeux sur cet afflux de migrants.

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Le traité du Touquet, signé le 4 février 2003 par la France et le Royaume-Uni, a pour objectif d’encadrer la surveillance de la frontière entre les deux pays. Les Français contrôlent la frontière et empêchent le passage des clandestins, tandis que les Britanniques financent une partie des opérations.

Le gouvernement britannique, en signant ce traité, a pris des engagements et ne peut pas décider seul de la politique migratoire à adopter. Mais dans le contexte post-Brexit, Londres laisse entendre qu’elle pourrait revenir sur cet accord, de façon à ce que les migrants arrivant dans ses eaux puissent être renvoyés plus facilement. « Les Britanniques veulent reprendre le contrôle de leurs frontières », a assené la ministre de l’intérieur, Priti Patel.

Le Royaume-Uni demeure peu touché par les vagues d’immigration clandestine, comparé à ses voisins européens. En 2019, l’Allemagne a reçu 142 000 demandes d’asile et la France 119 000, alors qu’outre-Manche 44 000 demandes ont été enregistrées.

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via LeMonde

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