Exclure City de la C1, c’est possible mais ce n’est pas sans risque pour l’UEFA

D’après le New York Times, Manchester City pourrait être exclu de la Ligue des champions en raison de violations des règles du fair-play financier. Une sanction qui n’est pas impossible si les faits sont avérés, comme nous l’explique Simon Le Reste, avocat et docteur en Droit du Sport. Et qui pourrait avoir des répercussions pour l’UEFA.
C’est une information qui pourrait déclencher un tremblement de terre. Avec de multiples répliques loin d’être anodines. Pour Manchester City et… le fair-play financier (FPF) ou encore l’UEFA. Lundi, le New York Times a dévoilé que l’instance européenne pourrait exclure Manchester City de la Ligue des champions en raison de violations des règles du fair-play financier. Une C1 sans le tout récent champion d’Angleterre est-elle vraiment envisageable ? Cette fois, ce n’est visiblement pas impossible.

Selon le quotidien américain, City est dans le viseur de l’UEFA pour deux raisons : des déclarations erronées lors d’une précédente enquête et pour avoir surévalué des contrats de sponsoring. De quoi forcer le gendarme financier de l’UEFA à frapper fort. “Une telle sanction ne paraît pas insensée”, nous confirme Simon Le Reste, avocat d’affaires au barreau de Paris et docteur en Droit du Sport. “D’une part, le club a déjà fait l’objet d’un premier avertissement en 2014 et d’autre part, il semblerait que City ait dissimulé aux instances un certain nombre d’informations révélées par Football Leaks, ce qui est très grave. L’UEFA se serait en fait aperçue que City s’est moqué des enquêteurs”.

” Il en relève de l’autorité du règlement du fair-play financier”
En clair, Manchester City a joué avec le feu. Et a dépassé les limites. Dans les grandes largeurs. Or, le club anglais détenu depuis 2008 par un membre de la famille régnante d’Abou Dabi a déjà été épinglé en 2014 par le FPF avec une amende de 60 millions d’euros. “A l’époque, c’était un avertissement dans le cadre d’un accord de règlement, qui n’a semble-t-il pas été dissuasif. Un deuxième accord de règlement n’est pas envisageable, entraînant nécessairement une sanction plus lourde en cas de nouveaux manquements”, constate Maître Le Reste.

Si les faits sont avérés, l’UEFA n’aurait d’ailleurs pas vraiment le choix. L’instance se retrouverait presque dos au mur. Car la crédibilité du fair-play financier et de ses enquêteurs seraient alors en jeu. Tout bonnement. “S’il n’y a pas d’effet dissuasif mais uniquement des sanctions financières, le caractère contraignant des règles du fair-play financier serait limité pour les gros clubs”, confirme Simon Le Reste avant de s’expliquer : “Si l’enquêteur principal propose à la chambre de jugement une exclusion à l’encontre d’un club qualifié sportivement et puissant financièrement, cela peut être considéré comme un signal fort. Il en relève de l’autorité du règlement du fair-play financier.”

UEFA vs grands clubs : “Cela peut-être le début d’un bras de fer juridique”
Si Manchester City peut trembler, le champion d’Angleterre n’est pas le seul à devoir se faire du souci avec cette affaire. Cela peut sembler bizarre mais l’UEFA n’est pas en reste. Car une telle décision pourrait avoir un effet boule de neige. Et des répercussions que l’instance ne souhaite clairement pas. Jusqu’à présent et malgré la frustration de certains face à ce règlement mis en place par l’UEFA, désireuse d’assainir un univers qui n’a pas toujours su se montrer raisonnable en termes de finance, il y a eu absence d’action judiciaire marquante. Plus clairement, aucun club de la dimension de Manchester City n’a vraiment attaqué le fair-play financier. Et remis en question la légalité de ce dispositif devant la justice civile.

Il y a bien eu des actions devant une cour : un agent de joueur, Daniel Striani, a ainsi porté plainte contre l’UEFA et la Fédération belge pour contester le FPF. Des supporters du PSG et de City ont aussi tenté leur chance. Et Seraing – qui évolue en troisième division belge – également. Mais une suspension d’un an de City changerait sans doute la donne. “Le club pourrait alors braver une règle tacite dans le monde du sport, celle du non du recours aux tribunaux étatiques. En cas de lourde sanction mettant en péril le modèle économique d’un club de cette dimension et qui est qualifié sportivement pour la C1, celui-ci risque de se détourner de sa fédération pour en appeler aux juges étatiques et européens afin de contester la validité même du fair-play financier”, explique Me Le Reste.

Le logo de l’UEFA au quartier général de l’instance à Nyon, le 15 avril 2016
Le logo de l’UEFA au quartier général de l’instance à Nyon, le 15 avril 2016AFP

” On est toujours dans la phase d’instruction ”
Une éventualité qui ferait des vagues à Nyon dans les couloirs de l’UEFA. L’organisation n’aime pas l’ingérence et n’a pas envie de passer le filtre de la cour de justice. Ainsi jusqu’à présent, tout se fait souvent avec des négociations entre le club et l’instance. Une étape pourrait alors être franchie et forcer City à agir en justice au titre par exemple du droit à la concurrence. “Pour le moment, les sanctions prononcées dans le cadre du fair-play financier ont été globalement acceptées par les clubs, en dépit de quelques appels devant le Tribunal arbitral du sport. Mais l’exclusion d’un club puissant pourrait annoncer le début d’un bras de fer juridique”, annonce notre spécialiste juridique. “Le fair-play financier serait alors challengé et contesté par un club puissant. Cela peut-être le début d’un schisme entre les certains grands clubs et l’UEFA. ”

Dans le contexte actuel où les grands clubs menacent à intervalles réguliers de faire scission, ce ne serait pas un idéal pour l’UEFA. Mais on n’en est pas là. L’affaire a encore de longues étapes, très longues même, à passer avant d’en arriver là. “Une telle sanction n’interviendra pas immédiatement. On est toujours dans la phase d’instruction. Là, ce qui a été dévoilé n’est semble-t-il que le positionnement de l’enquêteur principal. Or c’est la chambre de jugement qui tranchera in fine”, nous confie encore Simon Le Reste. Mais si les faits sont établis, cette affaire a bien tout pour ne pas bouleverser uniquement Manchester City.

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