La mère pieuse de l’humaniste Madame Sandia Karima.

Le visage pieux de cette grande dame nous montre qu’il est primordial d’inculquer les bonnes valeurs à ses enfants car une bonne cause n’est jamais perdue.

Nous venons de savoir pourquoi l’humaniste Sandia Karima prône des valeurs humaines avec une gentillesse extrême grâce à sa vaillante maman qui l’a toujours enseigné le sens de l’humain. C’est raison pour laquelle nous vous donnons ce témoignage émouvant fait sur sa belle mère.

Ma mère, Bibi

Ma mère a toujours été d’un grand secours pour moi dans mon enfance, mon adolescence et jusqu’à aujourd’hui, alors qu’elle n’est plus là. Avant de prendre une décision, je me réfère à ce qu’elle m’aurait dit si elle avait été présente.
Je n’ai pour elle que de très belles pensées. Je lui dois ma survie. Elle fut le contrepoids de toute une éducation tyrannique enseignée au nom d’Allah. Elle m’a aidé à me libérer et m’a apporté un soutien sans failles dans tous mes efforts pour prendre de la hauteur et du recul par rapport à la culture et à la quasi tyrannie de ma famille paternelle.
Je ne sais pas encore si j’ai pris toute la mesure et l’étendue des bénéfices de la culture hindoue qu’elle nous a léguée. Ce dont je suis sûre, c’est que, grâce à son héritage, je suis en harmonie avec moi-même.
Très réfléchie dans ses relations avec les autres, ma mère ne donnait pas son affection et son amitié spontanément. Elle était naturellement bonne mais néanmoins s’interrogeait toujours sur l’intérêt et la pérennité possible d’une relation amicale avant de l’accepter ou de l’initier. Elle disait toujours qu’elle ne voulait pas « gaspiller » son capital « sentiments ». Cette phrase, aussi égoïste puisse-t-elle paraitre, semble toutefois être empreinte d’une certaine sagesse. La vie ne l’avait pas épargnée dans le domaine affectif et elle ne voulait pas prendre de risques inutiles. L’expérience a toujours montré qu’elle avait une vision juste des rapports humains.
Son intelligence de cœur était indéniable. Elle nous a éduqués dans le respect, le partage et l’amour d’autrui.
Elle nous racontait souvent, avec précision et humour des récits de vie liés à l’enfance de mes grands-frères et sœurs et même de vieux souvenirs en lien avec sa propre enfance. Elle possédait une très bonne mémoire et une parole précise et concise alors qu’elle n’avait jamais été scolarisée. On dit que la mémoire est sélective et elle en était le parfait exemple.
Elle était toujours très positive et indulgente dans les évocations de ces moments. D’ailleurs, cela ne concernait que des personnes qu’elle aimait ou qu’elle avait aimées. Elle avait oublié ou ignorait celles qui lui avaient fait du mal.
Elle prônait toujours l’indulgence, l’empathie et l’amour d’autrui.
Pour éviter les problèmes, mais surtout par pudeur et par timidité, elle ne sortait pas beaucoup et ne participait ni aux fêtes familiales ni aux évènements culturels, mariages, baptêmes, événements communautaires et autres. Elle avait une attitude d’emblée méfiante vis-à-vis du côté matériel des choses et de toute manifestation de richesse. Pour elle, il n’y avait éthiquement qui puisse justifier la richesse, si ce n’est la juste utilisation que l’on pourrait en faire dans un esprit d’équité et de charité, et, sans aucune attitude ostentatoire. D’ailleurs, elle venait toujours en aide à ses proches et même à des inconnus dans le besoin, y compris de manière discrète parfois, preuve que son désir n’était pas de se mettre en avant.
Sa vie était simple. Elle ne s’intéressait pas aux futilités. Son plaisir se limitait toujours à des achats utiles, limités aux accessoires de cuisine et aux saris, larges bandes de tissu qui drapent le corps de la femme indienne. Aucun gadget de décoration ou babioles à porter sur soi. Elle a toujours agi avec sérieux et avait « les pieds sur terre ».
Nous, enfants, n’arrivions pas toujours à percevoir ce qui aurait pu la rendre heureuse. Elle était silencieuse et d’apparence très mélancolique. Nous ne savions pas non plus discerner chez elle, ses différentes humeurs, ses excès de sensibilité ou de susceptibilité.
Elle prenait très au sérieux son rôle de mère et les obligations qui en découlaient. Elle les assumait sans aucune indulgence pour elle-même, et s’y réfugiait peut-être aussi, en les utilisant comme prétexte pour ne pas faire autre chose ou sombrer dans la mélancolie.

S’imposant un rythme de travail que son corps avait du mal à supporter, elle avait tendance à ne pas s’écouter, ni à se ménager, et tombait souvent malade. Se nourrissant très peu, elle pesait 48 kg pour 1 m 70 cm. Pourtant, en dépit de cette faiblesse apparente elle avait mis 9 enfants au monde.
Nous vivions dans un quartier populaire, elle ne nous laissait jamais sans surveillance. Très attentive à nos fréquentations, nous ne pouvions pas aller chez n’importe qui sans qu’elle ait tout d’abord vérifié la bonne moralité de nos futurs amis. Elle constatait que beaucoup de parents aimant leurs enfants ne se préoccupaient pas assez de l’environnement dans lequel ils évoluaient et grandissaient.
Elle demandait à ce que nous la consultions et que nous l’impliquions dans les grandes décisions de notre vie. Pour elle, c’était une marque d’affection, une reconnaissance de son statut de mère.
De manière perpétuelle, elle recherchait toujours l’affection de ses enfants. Ce détail anodin, je ne l’ai remarqué qu’une fois sortie de l’enfance et loin d’elle géographiquement. Elle avait envie qu’on l’aime et avant tout que l’on le lui dise. Il était pour elle inconcevable de passer trois jours sans nous avoir au téléphone alors que les appels à l’international étaient très coûteux.
La perte de sa mère à l’âge de 7 ans, et l’instabilité de son mariage avaient provoqué chez elle un terrible sentiment d’abandon ainsi qu’une grande souffrance la plongeant dans un état d‘enfermement sur elle-même que seule la présence de ses enfants et l’expression de leur amour pouvaient soulager.
Elle avait peur de voir un de ses enfants mourir avant elle. Aussi chaque fois qu’une maladie la gagnait, elle priait beaucoup et demandait de pouvoir rester auprès de ses enfants surtout afin de ne pas nous laisser seuls avec la famille paternelle…

L’amitié était très importante pour elle, mais c’était une amitié très sélective comme je l’ai mentionné auparavant. Elle avait très peu d’amis et ceux-ci avaient été soigneusement acceptés comme tels après mûre réflexion.
Son sens de l’amitié a toujours été sincère, aussi bien envers les femmes de sa propre famille qu’envers celles de sa belle-famille même si celles-ci n’avaient jamais fait preuve d’empathie et de compassion pour elle.
Par pudeur elle n’avait pas d’amis hommes.
Avec ses amis, elle a toujours fait preuve d’écoute et de réconfort.
Elle hésitait beaucoup avant de prendre des décisions. Elle a toujours eu besoin de longues phases d’observation et de réflexion avant d’agir. Et si un imprévu surgissait, bien que perturbée elle s’en sortait en décidant en fonction d’un ordre de priorité déjà donné à chacune des activités programmées, la place qu’elle allait lui accorder.
Sa philosophie et son rapport au monde pourraient se résumer avec deux citations extraites des écrits de Yasmina Khadra, nom de plume de l’écrivain algérien Mohamed Moulessehoul :
« Les hommes pouvaient changer si on mettait en place les conditions de leur changement » ; « Le monde irait mieux si les humains s’investissaient dans l’Etre autant que ce qu’ils le faisaient dans l’Avoir et le Paraître ».

Depuis sa mort subite en février 2012, j’apprends à accepter son absence et j’apprends à vivre pour moi et d’une certaine façon pour elle en même temps….
Pendant trois ans je n’ai cessé de l’appeler sur son portable dans l’espoir vain et insensé d’entendre sa voix. Malheureusement et bien évidemment c’était une messagerie vocale anonyme… je ressentais un besoin viscéral de lui parler des heures et des heures au téléphone, comme nous en avions l’habitude. Paix à son âme !
Son décès a eu bien des répercussions sur mon existence auxquelles je n’aurais pu songer.
La vie m’a appris à dire adieu à des gens que j’aime, tout en continuant à les aimer. A faire un clin d’œil à ceux qui ne m’apprécient pas pour leur montrer mon indifférence à ce qu’ils pensent de moi sans pour autant être dans la provocation. A m’exprimer sur des situations qui ne me conviennent pas. A prendre du recul, à analyser les situations afin de mieux les appréhender. J’apprends de mes erreurs, et ainsi, j’essaie de faire de mon mieux.
Ma volonté est de combattre l’injustice et de lutter contre l’oppression. Le sourire chez moi est devenu une arme et une défense. Je ris de mes erreurs et de mes échecs. Parfois quand je n’obtiens pas ce que je souhaite, je fais abstraction et je passe à autre chose. J’apprends à exprimer mes chagrins aux personnes qui me sont proches. De nature intransigeante, j’ai du mal à pardonner mais je me contrains à le faire parce j’ai déjà eu besoin d’être pardonnée pour des erreurs que j’avais commises.
La plus grande révélation de ma vie fut de découvrir qu’il suffit de peu pour être heureux.
J’ai décidé depuis de vivre pleinement les choses et de rencontrer des belles personnes sans vraiment chercher, sans faire de calcul, sans faire de plan, mais toujours dans un esprit positif.
Avec le temps, j’apprends à balayer toutes mes contradictions, et à maîtriser mes pensées.
Je veille à ouvrir les yeux face à la réalité de ma vie, à exclure les choses futiles, et à profiter de chaque instant dans la mesure de mes possibilités.
Il m’arrive de pleurer de joie et de tristesse sans me cacher. J’aime beaucoup regarder le ciel, j’aime les étoiles, et faire un vœu comme lorsque j’étais enfant, surtout les nuits de pleine lune
J’apprécie de plus en plus les paysages, les environnements verdoyants et plus particulièrement le charme de la Suisse où je vis depuis maintenant onze ans.
Plus je me sens perdue, plus je me réfugie dans la nature ! Je trouve l’harmonie dans la forêt et je la respecte. Selon un vieux proverbe indien, « traitez la terre, la nature et les animaux comme il se doit; elle ne vous a pas été donnée par vos parents, elle vous a été prêtée par vos enfants. »
Quand je quitte un pays j’aime aller toucher les arbres comme les baobabs et je ressens alors la douleur d’un « au revoir » et non d’un « adieu ». D’habitude, j’ai le pressentiment que je vais revenir un jour prochain … La vie m’apprend tous les jours quelque chose et je pense qu’elle n’est qu’un éternel recommencement….. Je crois à la renaissance, à la réincarnation …. Aux âmes, aux effets positifs des esprits bienveillants et aux effets néfastes des mauvaises vibrations.

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