Portrait:Sokhna Aïda Diallo une femme digne de son nom

Belle, coquette et audacieuse, Sokhna Aïda Diallo bouscule les codes. L’ancienne vendeuse de jus de fruits veut occuper le fauteuil de khalife, au nez et à la barbe de Serigne Saliou Thioune, le fils-ainé de Cheikh Béthio.

Troublante ! Inaccoutumée ! Étonnante ! Exceptionnelle ! L’image du présidium de la cérémonie officielle du 17 avril 2019 est hors du commun. Sokhna Aïda Diallo truste le fauteuil de Cheikh Béthio Thioune. À ses côtés, Sokhna Mbossé Diouf, Sokhna Aïcha Kane et Sokhna Adja Déthié Pène, respectivement, première, deuxième et cinquième épouse du guide des Thiantacônes. Pendant ce temps, la 4ème, Sokhna Bator Thiam est au chevet de leur mari souffrant, à Bordeaux (France). Cette scène à Médinatoul Salam a surpris, voire choqué, plus d’un.

Elle a suscité d’ailleurs moult interrogations. « Comment quelqu’un peut laisser son épouse le remplacer alors que ses enfants sont en vie ? Aïda Diallo ne devait pas présider cette cérémonie. Pourquoi elle ? », rouspétaient certains. Tandis que d’autres clamaient haut et fort que la dame en est capable. Qu’elle est à sa place !

La concernée, emmitouflée dans une robe brodée blanche assortie d’un foulard de tête vert bien coiffé, une belle manucure, le visage sublimé par un maquillage, comme à ses habitudes, avait une fois de plus, apporté la réplique. Comme pour narguer ses détracteurs.

Elle réclame sa suprématie. Celle d’une cheffe, au-delà sa grâce féminine légendaire. « Je suis certes une dame dans l’apparence et la coquetterie qui va avec, mais ce qui se cache derrière cette femme ‘’mondaine », seul Cheikh Béthio le sait. Sokhna Aïda, la « préférée du Cheikh » se dévoile. Adia Déthié Pène confirme : « C’est toi que le Cheikh aime ».

Son parcours avec Cheikh Béthio Thioune

D’après Babacar Niang, chargé de la communication du Dahira Darou Salam Matlaboul Fawzeyni Touba Lpa (Lycée Parcelles assainies), Cheikh Béthio Thioune (rappelé à Dieu, le 4 mai dernier à Bordeaux) considérait Sokhna Aida Saliou Thioune comme sa propre personne. Le défunt marabout déclarait : « C’est à l’image de ce que Serigne Saliou m’avait dit en soutenant que nous formions une seule et même personne. C’est la même chose que j’ai faite avec toi ».

« La mystérieuse » a obtenu sa stature sans tambour ni trompette. Partie de rien, Sokhna Aïda Diallo a travaillé d’arrache-pied pour en arriver là. Née d’un père Peulh, Don Diallo et d’une mère sérère, elle a vu le jour le 21 décembre 1981 à Dagana dans la région de Saint-Louis. Son grand père, Bakary Diallo, auteur du livre Force bonté, est un ancien tirailleur vivant en France.

Très tôt, Aïda Diallo a été confiée à sa tante maternelle domiciliée à Fass, à Dakar. Son enfance a été « très difficile ». Un passé qu’elle adore raconter souvent. Jeune fille, elle a rompu très tôt les amarres avec l’école française, en classe de 3ème. Elle raconte avoir vendu de l’eau fraîche et du jus de fruit dans les gares routières.

1993, le déclic ! C’est à l’âge de 12 ans qu’elle a fait acte d’allégeance au marabout. C’était au Croisement Béthio de Golf. Son amour pour Serigne Béthio est incommensurable. Elle confessait avoir vu Mame Cheikh Ibrahima Fall en rêve qui lui a dicté le chemin à prendre. « Il m’avait demandé de garder le secret en attendant le moment venu. C’est une relation extraordinaire qui me lie avec le Cheikh », s’enorgueillit-elle.

« Le Cheikh était tout pour elle. Elle lui vouait un amour sans faille. Du respect également. Elle allait dans le domicile du Cheikh à Janatoul Mahawa où vivait Sokhna Mbossé Diouf pour s’acquitter des travaux ménagers. En tant que disciple, Aida n’a jamais rechigné à la tâche », témoigne le Thiantacône, Mansour Guèye. Elle a été une disciple comme les autres jusqu’à ce qu’elle soit liée au Cheikh par les liens du mariage, le 13 janvier 2003.

« J’étais présent lorsque le marabout présentait Sokhna Aïda comme étant son épouse. Le Cheikh disait : ‘’c’est son père qui me l’a donnée en guise de Adiya » », témoigne ce proche de la dame. Aïda Diallo sort enfin de l’anonymat. Malgré son statut d’épouse du Serigne, elle a toujours voulu conserver son rôle de talibé. A Janatou, le dévouement d’Aïda Diallo est bien apprécié.

En 2004, la jeune dame est promue Dieuwrigne à Janatoul Mahawa dénommée aussi Darou Salam. C’était le début d’une restructuration du Thiant en 4 courants avec Sokhna Adja Saliou Thioune pour « Khelcom », Sokhna Bator pour « Wa keur Serigne Touba » ainsi que le « Kourel » de Serigne Khadim Thioune, un des fils du marabout.

Et Aïda Diallo devient Cheikha…

Deux ans plus tard, Cheikh Béthio décide de faire de Sokhna Aida Saliou, la Dieuwrigne de Madinatoul Salam, à Mbour. Ce qui lui a permis de faire davantage, étalage de ses qualités managériales. Puis, Aida Diallo a été déclarée Dieuwrigne universelle en 2014. Elle pouvait dès lors, représenter le Thiant partout, à travers le monde. Le 14 février 2016, la 3e épouse du Cheikh gravit un échelon déterminant. A Paris, Cheikh Béthio clame à l’endroit de sa dulcinée : « nous ne faisons qu’un maintenant, ici-bas et dans l’au-delà ».

Les dates se suivent alors et les témoignages du Cheikh se succèdent. Cheikh Béthio déclare que quiconque rend visite à Aïda Diallo sera rétribué. Il assure même que quiconque la choisit comme compagnon ira loin sur le chemin de Dieu. Le summum est atteint en 2018. C’est là que le guide des Thiantacônes lui dira : « May yaw yay mane dara fétéwouko kaw. Sama Magal moy sa magal (Je suis toi, tu es moi. mon magal est ton magal ».

Aïda Diallo, la belle dame devient une Cheikha. Le caractère prestigieux et stratégique de sa position ne va pas l’empêcher de faire des tournées, remobiliser les talibés, animer davantage les Daaras. Elle devient cheikh à la place du cheikh. Même l’achat des bœufs lors des grandes cérémonies comme le Magal de Touba lui incombe. Il arrivait même dit-on, qu’elle vende ses bijoux en or pour les frais du Magal et du Gamou. Ainsi, elle ravit la vedette à tout le monde.

L’intercesseur entre les talibés et le guide des thiantacônes

Au-delà du spirituel, cette personnalité singulière est aussi une médiatrice. Elle joue un rôle important dans la vie de certains talibés. Ces derniers n’hésitent pas à s’ouvrir à elle quant à leurs problèmes, même ceux concernant leurs ménages. « Nous talibés, avons l’habitude de faire le ziarra avec de l’argent. Souvent c’est 1000 ou 2000 F CFA. Un jour, je suis venu et elle a compris que je n’avais pas d’argent. Au moment du retour, elle m’a remis 30 000 FCFA », confie un disciple. Elle a toujours joué les bons offices entre les talibés et le Cheikh.

Pourtant, sa force de caractère est manifeste. Difficile de lui arracher un sourire. « Mais au fond, elle a un cœur d’or. Beaucoup de gens, avant de la côtoyer, nourrissaient de mauvais préjugés à son endroit, mais il suffit de s’approcher d’elle pour se rendre compte de sa grandeur d’âme. C’est une personne accessible, accueillante, courtoise et généreuse, agréable, charismatique », avance Babacar Niang.

La lecture des Khassaïdes occupe une place importante dans son emploi du temps. Ce qui fait qu’elle n’a pas le temps de regarder la télévision. Aïda Diallo ne mange pas beaucoup. Elle est mère de 3 garçons qui portent tous le nom de Serigne Saliou Mbacké, 5ème Khalife.

Peau dépigmentée, la bouche en forme de cœur, Sokhna Aïda jouissait d’un amour et d’une confiance sans faille de la part de Béthio. Il aimait lui offrir les plus belles voitures ou les plus belles maisons. La majeure partie des daaras lui ont été confiés. Les talibés voient en elle Serigne Béthio Thioune et suivent à la lettre ses recommandations.

La « mystique, la mal-aimée »

Et c’est là le nœud du problème. Certains soutiennent qu’elle a marabouté le Serigne. Que Sokhna Aïda Diallo est « mystique ». Ainsi, elle ne fait pas l’unanimité au sein de la famille thiantacône. Au premier rang, les enfants de son mari. Et cela a été plus perceptible lors du décès de Cheikh Béthio Thioune. La fille aînée du défunt a désigné Serigne Saliou Thioune « Gueule Tapée » comme héritier légitime.

« C’est notre frère qui occupera le fauteuil de notre regretté père et guide. Qu’Aïda Diallo se limite à la place réservée aux épouses. Son nom de famille est Diallo et non Thioune. Elle ne peut pas être l’héritière de notre père. Elle n’occupera plus le fauteuil », avait lancé Fatime Thioro Thioune.

Un de ses frères qui vit en Europe a déclaré que la 3ème épouse a séparé le Cheikh de ses enfants. « On ne peut même pas avoir des terrains à Médinatoul Salam, alors que mon père en donne à ses talibés. Tout ça, c’est l’œuvre de Aïda Diallo », avait-il fulminé dans une vidéo sur le Net. Don Diallo, le père de Sokhna Aïda vient au secours de sa fille. « Ce débat sur l’héritage est un non-événement, puisque Cheikh Béthio Thioune avait tranché de son vivant. Il a donné des instructions à ses talibés et ma fille a été choisie ».

La surprise sera l’acte d’allégeance de Sokhna Bator Thiam à Aïda Diallo. Pourtant, la veuve a appelé les talibés à respecter la décision de Serigne Mountakha, khalife général des mourides, d’inhumer Cheikh Béthio à Touba. Mais, pour ce qui est du trône, la Cheikha ne semble pas prête à renoncer. Même si elle a dit devant Serigne Mountakha qu’elle ne se bat pas pour la succession, il n’en demeure pas moins que ses actes indiquent clairement qu’elle aussi veut être khalife… avec toute sa coquetterie féminine.

Senegaldirect avec Sunugal24

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